Hitler n’était pas socialiste

Il est évident qu’Hitler n’avait strictement rien de socialiste, il était en effet un pur produit du capitalisme qui a su l’utiliser à ses fins, comme le dit un des historiens du nazisme les plus reconnus, Ian Kershaw, le nazisme fait partie des « mouvements extrémistes antisocialistes » [1]. Mais contrairement à certaines idées reçues faciles Hitler n’a jamais cherché à s’opposer au système économique dominant et à la bourgeoisie, il l’a au contraire servi jusqu’au bout, d’une manière que ne renierait pas les idéologues dits ultralibéraux. Car il ne faut pas oublier la tâche historique précise du fascisme, comme l’a résumé Karl Polanyi en 1944 : « On peut décrire la solution fasciste à l’impasse où s’était mis le capitalisme libéral comme une réforme de l’économie de marché réalisée au prix de l’extirpation de toutes les institutions démocratiques, à la fois dans le domaine des relations industrielles et dans le domaine politique. Le système économique qui risquait de se rompre devait reprendre vie. » (La Grande transformation)

Cette tâche historique, l’intellectuel capitaliste Ludwig von Mises l’a très bien compris, lorsqu’il écrit : « On ne peut nier que le fascisme et les mouvements similaires cherchant à mettre en place des dictatures sont remplis des meilleures intentions et que leur intervention a, pour l’instant, sauvé la civilisation européenne. Le mérite qui en revient au fascisme demeurera éternellement dans l’histoire. Mais bien que sa politique ait apporté provisoirement le salut, elle n’est pas de nature à nous assurer les succès futurs. Le fascisme était une solution d’urgence. » (Libéralisme)

Ces deux citations serviront de fil directeur de cet article.

p10_Heartfield-Hitler_600_x_600_-64ef8-8c63aDes millions derrière moi. Le sens du salut hitlérien

Tout d’abord il convient de plonger brièvement dans les racines du nazisme.

Dans Mein Kampf, Hitler écrit que l’essence de l’économie politique du nazisme est tiré des théories d’un certain Gottfried Feder :

« Précédemment, je n’étais pas à même de reconnaître, avec la clarté désirable, la distinction entre ce capital proprement dit [industriel], dernier aboutissement du travail producteur, et le capital dont l’existence et la nature reposent uniquement sur la spéculation. J’en étais capable dorénavant grâce à un des professeurs du cours dont j’ai parlé, Gottfried Feder […] Après avoir écouté le premier cours de Feder, l’idée me vint aussitôt que j’avais trouvé le chemin d’une condition essentielle pour la fondation d’un nouveau parti […]
Dans le cours de Feder, je pressentais un puissant mot d’ordre pour cette lutte à venir […] La lutte contre la finance internationale et le capital de prêt est devenu le point le plus important de la lutte de la nation allemande pour son indépendance et sa liberté économique. [4] »

Ce fameux Gottfried Feder qui a formé Hitler dans le domaine de l’économie politique est un économiste allemand et nazi de la première heure, il a, en effet, participé à la fondation du NSDAP. C’était entre autres, le théoricien économique du parti, il a, jusqu’à la prise du pouvoir d’Hitler, gardé une place influente en son sein. En 1919, il écrit son livre majeur, Manifeste pour briser les chaînes de l’usure, dans lequel il s’en prend au capital financier, mais il ne touche pas au capital industriel, lorsqu’il en parle, c’est pour en faire l’apologie, « le véritable créateur de richesse », comme il l’a fait pour l’industrie Krupp, l’une des principales entreprises du complexe militaro-industriel allemand.
J’ai retenu, dans son livre, quelques courts passages qui auraient enchanté les libéraux :

« Les confiscations de fortunes, les socialisations sont à l’ordre du jour, par conséquent des violations juridiques manifestes, qu’on peut certes quelque peu minimiser parcequ’elles ne sont commises sur l’individu qu’au nom du prétendu « intérêt commun ». »

« Nous reconnaissons clairement que ce n’est pas l’économie capitaliste, que ce n’est pas le capital, en soi et comme tel qui est le fléau de l’humanité. Le besoin intarissable d’intérêts du grand capital financier est la malédiction de toute l’humanité laborieuse. »

« La socialisation signifie le déclin de l’économie […] Ce n’est pas la socialisation mais la « désocialisation » qui devrait être la solution. »

« Les travailleurs n’ont pas à avoir peur de la classe dirigeante [bourgeoise]. »

C’est la vieille rengaine sociale-démocrate qui prétend que les maux du capitalisme ne viennent pas du capitalisme. Feder, comme tout bon social-démocrate, n’a aucunement l’ambition de détruire le capitalisme, au contraire il s’agit de détourner les masses opprimées des véritables problèmes en désignant du doigts certaines conséquences du capitalisme sans chercher à en combler réellement les sources, le « grand capital financier » devient l’ennemi de l’humanité alors que le capital industriel exploiteur, évidemment inséparable et fondamentalement lié au premier, devient une fierté, objet de « grandes réalisations » alors que contrairement au capital bancaire qui produit de l’argent à partir de rien du tout, le capital industriel produit de l’argent à partir du travail d’autrui, il est tout aussi parasitaire, les thèses nazies keynésiennes visent simplement à sauver les capitalistes du mécontentement populaire croissant. Cependant, le préfacier de son ouvrage cité, Michel Drac, note justement que si Feder a toujours été officiellement la référence de l’économie politique nazie, il n’en demeure pas moins que ses thèses « radicales » sur la finance ont été abandonnées par Hitler après qu’il fusse élu.

Sur le socialisme, Feder est obligé de reconnaître que son objectif d’« élévation de la classe des travailleurs est une idée absolument magnifique » mais en bon prisonnier de l’idéologie bourgeoise, « les moyens employés pour accomplir ce très grand dessein sont presque tous complètement erronés » avec des arguments assez étonnants comme : « La conception socialiste de l’Etat conduit de manière conséquente au communisme, donc au déclin ».

Dans son livre, Feder prend directement en compte un argument spartakiste très juste de sens contre ses thèses : « Le spartakiste, quant à lui, dit : Toute cette idée revient à ménager le capital ; rien n’a changé, le pauvre n’a rien et les riches restent riches », à cela Feder ne répond pas, ne trouve rien à redire, il mime un dialogue et se contente d’attaquer personnellement le spartakiste : « Oui mon ami, c’est surtout très dur de s’entretenir avec toi si tu es dans le tréfonds de ton âme un communiste »… il enchaîne sur la théorie bourgeoise de l’impossibilité du socialisme et constate : « Nous ne nous comprenons pas, nous parlons chacun une langue étrangère à l’autre ».

Même si ce n’est pas directement le sujet ici il est intéressant de noter qu’on retrouve dans ce brûlot tous les clichés les plus absurdes contre le socialisme, le vieux mythe (largement utilisé par les koulaks russes pour faire peur aux paysans culturellement arriérés) de la collectivisation des femmes et des enfants par exemple : « Mais si, au-dessus du tréfonds de ton âme de communiste […] tu aspires avec ferveur à avoir femme et enfants […] au fait qu’il serait toutefois beau de posséder sa propre petite maison, son propre petit bout de jardin […] alors tu n’est déjà plus communiste, alors tu as déjà rompu dans ton cœur avec ton mot d’ordre proclamé si fort « tout appartient à tout le monde ». Feder assimile aussi le communisme à des communautés arriérées, « d’esquimaux et de nègres ». La connaissance du socialisme des capitalistes se limitait fort souvent à ça (et c’est encore le cas aujourd’hui malheureusement).

kpd1924stiller04019« Choisis les communistes ! Pas ces ennemis des travailleurs ! »
De gauche à droite, mains sur épaules : un membre du Parti social-démocrate indépendant (USDP), un homme d’Eglise, un membre du parti nazi, un bourgeois et un membre du Parti social-démocrate (SPD)
Affiche du KPD, 1920s

Quant au qualificatif « national-socialiste » qui prête à confusion, Hitler l’a finalement regretté comme le rapporte l’historien Henry A. Turner dans German big business and the rise of Hitler (1985). A la fin de la Première guerre mondiale le socialisme était en effet très populaire en Allemagne, le Parti social-démocrate, officiellement inspiré de Marx, réalisait 38% aux élections de 1919 et la même année une tentative sérieuse de révolution communiste a éclatée. L’appellation socialiste est à destinée purement démagogique dans un contexte favorable au socialisme.

Le 27 octobre 1931, devant un parterre de financiers américains, Carl Friedrich von Siemens, PDG de la firme Siemens, fait l’éloge des nazis et de leur volonté d’éradiquer le socialisme en Allemagne : « L’objectif principal du NSDAP est la lutte contre le socialisme et son aboutissement logique, le communisme… C’est un rempart idéologique contre les tendances matérialistes ».

En deux phrases ce PDG a résumé l’essence du national-socialisme. Siemens n’est pas du tout un cas isolé, le ralliement de la bourgeoisie au national-socialisme est généralL’historienne Marlis Steinert écrit dans Hitler (1991) :

« Après les élections de septembre 1930, des lobbies de la grande industrie lourde multiplièrent les contacts avec le parti nazi et lui versèrent des fonds ; citons des industriels connus comme Fritz Thyssen, Hugo Stinnes, Paul Reusch, Albert Vögler, Fritz Springorum et leur porte-parole August Heinrichsbauer, qui toutefois ne devinrent pas membres du parti […] Au niveau des élites, Göring et Walther Funk établirent des relations avec l’aristocratie, le monde des affaires et les sphères gouvernementales. »

Dans Les fascismes (1985), Pierre Milza écrit :

« Le premier trimestre 1932 marque ainsi un ralliement massif, sinon général du grand patronat industriel à une solution politique dont les principaux bénéficiaires seraient les nazis. (…) Le 26 janvier 1932, le banquier von Schröder, mécène de longue date du NSDAP, organise à Düsseldorf une rencontre entre le dirigeant nazi et environ 300 représentants du monde industriel. La partie n’est pas jouée au départ, car beaucoup n’ont jamais eu le moindre contact avec Hitler et se montrent plutôt méfiants à son égard. Or, en deux heures, le Führer emporte l’adhésion enthousiaste de la majorité de l’assistance. Sur le conseil de Thyssen et de Schacht, il a troqué la chemise brune contre le complet bleu marine et le discours qu’il prononce est un modèle d’habileté, à la fois rassurant pour le patronat, dont l’autorité sera non seulement maintenue mais renforcée par un gouvernement national-socialiste, et prometteur d’un avenir grandiose. Les diatribes contre le pacifisme et l’hommage rendu à l’armée ne peuvent laisser planer aucun doute dans l’esprit de ses auditeurs : la politique des nazis sera une politique de réarmement et d’autarcie, ce qui ne peut déplaire aux producteurs de charbon et d’acier auxquels il s’adresse. Pour conclure, après avoir fustigé l’égalitarisme et la démocratie, Hitler brosse un tableau en noir et blanc du présent et du futur de l’Allemagne : « Aujourd’hui, nous nous trouvons au tournant du destin allemand. Si l’évolution actuelle se poursuit, l’Allemagne sombrera forcément un jour ou l’autre dans le chaos du bolchevisme, mais si une évolution est brisée, notre peuple sera pris dans une discipline de fer. » Il est ovationné. »

Dans ce discours il explique également que la propriété privée est le fondement de l’économie allemande et que son but premier est d’éradiquer le marxisme. « Je me charge de la politique, à vous l’économie » déclara t-il notamment.

Fritz Thyssen, l’homme le plus riche d’Allemagne, au capital provenant de l´industrie sidérurgique, était le premier capitaliste qui avait commencé à financer Hitler. Il avait offert à Hitler 100 000 marks d´or en 1923 !

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Encore bien d’autres… comme Emil Kirdorf, fondateur du consortium houiller de Rhénanie-Westphalie et de la société minière de Gelsenberg, et Alfred Hugenberg, grand homme d’affaires et représentant de la grande industrie de la Ruhr, qui deviendra le ministre de l’Economie du premier cabinet de Hitler ; oui, un grand industriel ministre de l’Economie d’Hitler, ça en dit long… Grâce à ces nouveaux appuis financiers, le parti nazi peut diffuser plus largement et plus intensément sa démagogie sociale et ainsi devenir, aux élections fédérales de 1930, le deuxième parti du pays avec plus de 6 millions de voix et 109 députés.

Toutefois, lors des élections fédérales de novembre 1932, le parti nazi perd 2 millions de voix et 40 sièges. Les grands industriels et des grands propriétaires terriens décident alors d’accélérer le mouvement. Le 19 novembre 1932, ils adressent une requête collective au maréchal Hindenburg, président du Reich, lui demandant avec insistance la nomination d’Hitler au poste de chancelier.

Le 4 janvier 1933, en plein échec du gouvernement Schleicher, c’est Von Papen qui prend l’initiative d’organiser une rencontre avec Hitler dans la demeure du banquier Schröder à Cologne. Il lui propose enfin ce que Hitler attendait, un gouvernement conservateur dont Hitler serait le chancelier, et Papen le vice-chancelier. Le futur gouvernement serait composé en grande majorité de gens proches de Papen et de Hugenberg. Hitler exige lui, en plus du poste de chancelier, les ministères de l’Intérieur, de la Défense, et de l’Education.

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30 janvier 1933 : Le maréchal Hindenburg, élu président de la République en 1932, nomme Hitler au poste de chancelier du Reich.

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Le 31 janvier 1933, le journal du Parti socialiste des travailleurs allemands (SAPD) titre : « Hitler chancelier du Reich ! Alarme pour l’ensemble de la classe ouvrière ». Ce journal fut interdit peu après.

Hitler a pu parvenir à monter au pouvoir suprême uniquement grâce à l’appui politique et économique de la bourgeoisie. En fait la bourgeoisie et ses représentants ont toujours vu d’un bon œil le mouvement national-socialiste, repérant en lui la qualité de solution de dernier recours à la crise générale du capitalisme. Dès 1929 la Ligue des combattants du Front Rouge, milice du Parti communiste (KPD), est dissoute par le gouvernement alors que les milices fascistes demeurent intactes. Selon le spécialiste de la période T. Derbent dans son livre La résistance communiste allemande 1933-1945 (disponible en ligne), en 1931, parmi les 103 morts communistes dans les combats de rue (contre 79 pour les nazis), près de la moitié ont été tués par les policiers venus en renfort pour les fascistes.

Les premières victimes des nazis, avant les juifs, furent les communistes, dès février 1933 4000 communistes sont arrêtés dont les principaux dirigeants, au moment du vote des pleins pouvoir à Hitler en mars 1933 les députés communistes étaient déjà soit assassinés soit en prison, ils ont été les premiers dans les camps de concentration ouverts la même année. Ainsi le Parlement allemand a pu voté les pleins pouvoir sans détour, parmi eux notamment, Theodor Heuss, futur président de l’Allemagne fédérale de 1949 à 1959. Qui le lui a reproché ?

Dans une ambiance de dépression économique où le chômage et la pauvreté atteignaient des degrés insupportables, la bourgeoisie a choisi le national-socialisme en craignant de perdre ses privilèges par une révolution. Aujourd’hui nous avons assez de recul pour justifier que le choix de la bourgeoisie a été le meilleur possible pour ses intérêts…

draft_lens2098005module10848111photo_1218180714papen2Seul Hitler peut nous sauver du bolchevisme. Affiche du NSDAP

A propos des idées politiques d’Hitler, commençons par la définition qu’il donne au socialisme.

Pour Hitler, il le dit dès 1922, un « socialiste » est un patriote :

« Celui qui est prêt à faire sienne la cause nationale, dans une mesure telle qu’il ne connaît pas d’idéal plus élevé que la prospérité de la nation ; celui qui a compris que notre grand hymne Deutschland über alles signifie que rien, rien dans le vaste monde ne surpasse à ses yeux cette Allemagne, sa terre et son peuple, son peuple et sa terre, celui-là est un socialiste. » [5]

En effet l’historien Hajo Holborn (qui a lui-même vécu le nazisme) souligne qu’Hitler n’a jamais été socialiste :

« Il n’a jamais été socialiste. Dans un de ses discours en 1927 qu’a organisé le magnat de la Ruhr Emil Kirdorf (1847-1938) devant des industriels, Hitler déclare : « Le plus grand nationalisme est essentiellement identique avec les plus grandes préoccupations du peuple et le plus grand socialisme est identique à la forme la plus élevée de l’amour du peuple et de la patrie ». Le socialisme et le nationalisme étaient pour lui des termes interchangeables qui changeaient en fonction du groupe social auquel il s’adressait. [6] »

Les antisocialistes de tout poil, pour appuyer leur dires, recrachent souvent cette citation attribuée à Hitler :

« Nous sommes socialistes, et ennemis du système économique capitaliste actuel, qui exploite les économiquement faibles, avec ses salaires injustes, qui évalue un être humain selon sa richesse et ses biens et non selon la responsabilité et la performance, et nous sommes déterminés à détruire ce système à tout prix. »

Cette phrase juste de sens a été prononcée le 1er mai 1927 à Berlin… le 1er mai, devant les ouvriers donc, cette citation ne peut donc pas être prise pour argent comptant. C’est comme le même Hitler qui disait dans un discours du 21 mai 1935 :

« L’Allemagne nationale-socialiste désire la paix du plus profond de ses convictions idéologiques. Elle veut la paix à cause de cette simple constatation : aucune guerre ne pourrait apporter de remède aux malheurs de l’Europe […] Que pourrais-je souhaiter d’autre que le calme et la paix ? […] L’Allemagne a besoin de paix, et veut la paix ! »

En effet comme l’écrit Henri Burgelin dans son livre L’Allemagne d’Hitler (1991) :

« L’idée centrale de Hitler est simple : lorsqu’on s’adresse aux masses, point n’est besoin d’argumenter, il suffit de séduire et de frapper. Les discours passionnés, le refus de toute discussion, la répétition de quelques thèmes assénés à satiété constituent l’essentiel de son arsenal propagandiste, comme le recours aux effets théâtraux, aux affiches criantes, à un expressionnisme outrancier, aux gestes symboliques dont le premier est l’emploi de la force. »

Nous savons que c’est faux, Hitler n’a pas du tout détruit le capitalisme. D’ailleurs en mars 1942 il déclare en privé :

« Je tiens absolument à protéger la propriété privée. Il est naturel et salutaire que les individus doivent être motivés par le désir de consacrer une partie du revenu de leur travail à construire et à étendre une succession familiale. Supposons que cette succession soit une usine. A mon avis il est évident, de manière générale, que cette usine soit mieux gérée par un membre de cette famille plutôt qu’un fonctionnaire de l’Etat… En ce sens nous devons encourager l’initiative privée. [7] »

On retrouve ici un discours radicalement différent de celui qu’il prononçait devant les ouvriers, dans une posture purement bourgeoise.

Le discours qu’il a prononcé le 27 janvier 1932 à Düsseldorf est dans la même veine :

« La propriété ne peut être justifiée du point de vue moral que si j’admets que les hommes ont des rendements différents. Et alors seulement je peux constater : puisque les rendements des hommes diffèrent, les résultats des rendements diffèrent également. Or si les résultats des rendements humains diffèrent, il est utile de laisser aux hommes l’administration de ses résultats à peu près dans les même proportions. Il serait illogique de confier l’administration du résultat d’un certain rendement effectué par une certaine personne au premier venu moins capable que lui ou à une collectivité qui a prouvé par le fait même qu’il (ou elle) n’a pas accompli ce travail qu’il (ou elle) est incapable d’en administrer le résultat. »

Hitler continue son discours :

« Il faut admettre par conséquent qu’économiquement parlant les hommes ne sont pas aussi valeureux, aussi importants les uns que les autres dans tous les domaines. Ceci admis, ce serait pourtant folie de dire que dans le domaine économique il existe des différences de valeur en tout état de choses, mais non dans le domaine politique. C’est un non-sens que de construire la vie économique sur la notion de rendement, de la valeur personnelle, donc pratiquement sur l’autorité de la personnalité, et de nier dans le domaine politique l’autorité de la personnalité et de mettre à sa place la loi du grand nombre, la démocratie. »

Ici Hitler admet les hiérarchies dans l’économie. Mais ce n’est pas tout, il se base sur le capitalisme pour justifier sa dictature terroriste : si il y a hiérarchie dans l’économie, pas de démocratie économique, il est inutile d’accepter la « démocratie » au niveau politique.

Ceux qui se sont intéressés à la question que nous traitons ont sûrement déjà vu ces deux citations supposément d’Hitler :

« Je ne suis pas seulement le vainqueur du marxisme […] on peut dire que j’en suis le réalisateurLe national-socialisme est ce que le marxisme aurait pu être s’il s’était libéré des entraves stupides et artificielles d’un soi-disant ordre démocratique»

« Ce n’est pas l’Allemagne qui sera bolchevisée, c’est le bolchevisme qui deviendra une sorte de national-socialisme. D’ailleurs, il existe entre nous et les bolcheviks plus de points communs que de divergences, et tout d’abord le véritable esprit révolutionnaire, que l’on trouve en Russie comme chez nous, partout du moins où les marxistes juifs ne mènent pas le jeu. J’ai toujours tenu compte de cette vérité et c’est pourquoi j’ai donné l’ordre d’accepter immédiatement dans le parti tous les ex-communistes. Le petit-bourgeois social-démocrate et le bonze du syndicat ne pourront jamais devenir de véritables nationaux-socialistes ; mais le communiste oui. »

Ces deux citations sont érigées en tant que preuve de l’« anticapitalisme » d’Hitler dans les milieux antisocialistes peu informés. En fait ces deux citations sont tirées du célèbre ouvrage de Hermann Rauschning, ancien nazi, Hitler m’a dit (1939), dans lequel l’auteur prétend reprendre des citations d’entretiens et de discussions privées qu’il a eu avec Hitler. Mais n’en déplaise aux calomniateurs, la crédibilité de ce livre a été sérieusement remis en cause par les historiens…
Hitler lui a prétendument révélait ses plans secrets les plus cyniques et monstrueux et des propos ridicules, le livre a été largement utilisé en tant que propagande officielle pendant la guerre mais peu de gens y ont crû tellement le ridicule était à son paroxysme, à un tel point que Rauschning n’a même pas été convoqué à la barre des témoins lors du procès de Nuremberg alors que son livre avait déjà été traduit dans toutes les langues occidentales et tiré à des millions d’exemplaires, il aurait du être un personnage clé… Le livre en lui-même n’a été cité qu’une seule fois lors du procès géant.

Cela fait bien longtemps, depuis les années 1970 précisément, que la crédibilité du contenu de cet ouvrage est tombé à 0 dans la communauté historienne. En effet, après une sérieuse enquête des historiens Theodor Schieder, Wolfgang Hänel, Fritz Tobias et Eckhard Jesse autour de ce livre, on en a conclu que l’auteur a rencontré Hitler seulement 4 fois, et jamais en tête à tête, donc il est impossible qu’il ait pu recueillir autant des convictions, notamment politiques, d’Hitler.

Dans le projet nazi la propriété privée et les classes sociales continueraient absolument d’exister, mais la lutte des classes, le cœur du socialisme, serait évitée par une union de celles-ci au sein de la « communauté du peuple » (Volksgemeinschaft), cela consistait à faire croire à la convergence d’intérêts entre prolétaires et capitalistes, à la nécessité de duper les travailleurs et de la collaboration des classes naturellement opposées au nom du « patriotisme ». Evidemment cette politique ne profitait qu’à la bourgeoisie.

En effet la première chose que devait dire systématiquement les nazis lors des autodafés était la chose suivante :

« Contre la lutte des classes et le matérialisme, pour la communauté du peuple et un idéal de vie !
Je jette dans les flammes les écrits de Marx et de Kautsky. »

En réalité les nazis croyaient fermement à la lutte des classes. En effet le nazi Werner Best, général SS et personnage clé des forces armées nazies, écrit :

« Nous reconnaissons la lutte des classes, mais la lutte des classes par « en haut », menée par les maîtres contre la masse insurgée. » (cité dans le livre de Léon Dion cité ci-dessous)

Passons aux actes sur le terrain, lors du référendum de juin 1926 sur la question de savoir si l’on doit indemniser ou pas les princes régnants renversés en 1918 qui avaient été exproprié, alors que les communistes se prononcent naturellement contre l’indemnisation, le parti national-socialiste, lui, se prononce en faveur de l’indemnisation des princes, donc main dans la main avec la droite conservatrice avec qui il a d’ailleurs réalisé une alliance 5 ans plus tard, en 1931, avec le DNVP, parti de la droite conservatrice de l’homme d’affaires millionnaire Alfred Hugenberg, qui fût d’ailleurs membre du premier cabinet d’Hitler en tant que ministre de l’Economie et de l’Alimentation ! Ils constituèrent ensemble le Front de Harzburg. Fait historique souvent oublié mais à ne pas négliger pour la compréhension du national-socialisme. A noter que cette alliance intervient après la proposition de coalition du NSDAP avec le… parti social-démocrate (SDP) ! Au fond, entre réformistes anticommunistes on s’entend très bien. Hitler avait dit un jour de 1930 :

« Ce que nous entendons par « socialisme » n’a rien à voir avec le socialisme marxiste. Le marxisme rejette la propriété privée, le vrai socialisme, non. [11] »

Passons à présent aux politiques économiques mises en oeuvre par les nazis.

Ian Kershaw dans Qu’est-ce que le nazisme ? montre que les discours « révolutionnaires » des nazis ne se sont absolument pas traduit par un bouleversement des rapports de production, pire, après 1933, la politique économique nazie a manifestement favorisé l’intérêt du patronat allemand et s’est traduite par un renforcement des grands groupes industriels privés qui « prennent une part active au pillage, à l’exploitation, à la destruction et au massacre dans les territoires occupés. »

Hitler n’a nationalisé aucune entreprise contrairement à son programme démagogique initial, il s’est au contraire lancé dans une campagne de privatisation à partir de 1933. Léon Dion, dans La révolution allemande au XX° siècle (1993), écrit que « le Troisième Reich, loin d’intensifier la socialisation de la vie économique, abandonna au contraire à l’initiative privée la presque totalité des secteurs de l’activité économique ». En effet comme le montre Dion, alors qu’en 1933, la propriété « publique » représentait à peine 5 % de la richesse nationale, la reprivatisation des entreprises rentables, dans la finance comme dans la production et les services publics, s’était opérée à un rythme de plus en plus rapide pour atteindre son paroxysme au cours des années 1936-1937. Comme le remarque Charles Bettelheim dans son livre L’économie allemande sous le nazisme : un aspect de la décadence du capitalisme (1946), ce processus s’inscrit dans la droite ligne de la logique du capitalisme qui « montre, depuis le dernier quart du XIXème siècle, que les périodes de crise sont des périodes d’étatisation, l’État se substituant à certains entrepreneurs défaillants, et les périodes de reprise économique des périodes de reprivatisation, l’État recédant aux capitalistes des entreprises à nouveau rentables. »

De même, Daniel Guérin écrit dans Fascisme et grand capital (1936) :

« A peine installé au pouvoir, le fascisme s’empresse de donner des preuves de sa bonne volonté au capitalisme privé. […] Hitler tient à manifester sa reconnaissance aux magnats de l’industrie lourde, aux Kirdorf, aux Thyssen. […] L’Etat leur restitue les Acieries Réunies (qui avaient été mises sous contrôle de l’Etat lors de leur relèvement sur fonds publics pour cause de faillite). […] Après le krach de 1931, la plupart des grandes banques étaient tombées sous le contrôle de l’Etat. […] La Deutsche Diskonto Bank, dès 1933, s’est vue restituer par l’Etat près de 20 millions de marks d’action […] L’Etat fasciste aide les magnats capitalistes à « produire du bénéfice » en leur accordant toutes sortes d’exonérations fiscales […] en les aidant à relever artificiellement leurs prix de vente […] en renflouant les entreprises défaillantes sans contrepartie. »

Au final, comme l’écrit historien spécialiste du fascisme Pierre Milza dans Les fascismes (1985), en Italie aussi bien qu’en Allemagne, « le fascisme au pouvoir aboutit au renforcement des structures capitalistes et accélère le processus de concentration [industriel] » inhérent au développement du capitalisme. En effet, entre 1932 et 1938 les profits ont augmenté de 130% alors que dans la même période des milliers de petites entreprises industrielles et commerciales faisaient faillite, un autre gage de la situation privilégiée dans laquelle baignait la grande bourgeoisie allemande.

Mais tout cela ne veut pas dire qu’Hitler était en fait un libéral, il était interventionniste et keynésien.

Cet Etat entièrement au service de la bourgeoisie et la complaisance de celle-ci à l’égard du nazisme est bien représenté à travers la société privée IG Farben, celle-ci a financé le camps d’extermination d’Auschwitz et les nazis lui ont loué à prix cadeaux des prisonniers de camps de concentration pour sa main d’oeuvre d’esclave-salariés en signe de l’éternel amitié entre fascistes et bourgeois, leur nombre était de 80 000 sur un total de 190 000 salariés, soit près de la moitié… C’est d’ailleurs une des filiales de cette sombre entreprise privée, Degesch, qui produisait le Zyklon B. Ce n’était pas l’Etat nazi qui fabriquait ce poison directement destiné à exterminer les juifs, mais des entrepreneurs privés !

Mais ce qui fait vraiment jaser les « libéraux » c’est que l’Etat allemand faisait des « plans », on peut dès lors s’interroger sur le genre de plan en oeuvre. A propos de ceux-ci (qui n’avaient évidemment rien à voir avec les plans impératifs d’ensemble réalisés en URSS) Dion écrit que « le plan de quatre ans qui visait à l’autarcie alimentaire du Reich, favorisa la grande entreprise agricole capitaliste au détriment de la petite paysannerie ». Les petits paysans croulaient sous les dettes et certaines fermes faisaient faillite pendant que la grande paysannerie capitaliste s’envolait avec la complicité de l’Etat.

Le prétendu socialisme d’Hitler, il n’y en a aucune trace. Plus encore, les syndicats furent interdits, seul subsistait le syndicat gouvernemental, donc bourgeois, le Front du travail, qui a fait interdire le droit de grève et qui, soumis au corporatisme d’Etat, avait pour but de convaincre les ouvriers de collaborer avec les capitalistes et de travailler davantage pour cette idée creuse de patrie (allongement de la durée de travail à 60-70 heures par semaine pour le bénéfice d’une petite minorité).

daf« Hier comme aujourd’hui nous restons camarades. » Affiche du Front du travail (1933) représentant un ouvrier et un capitaliste marchant main dans la main

Dion écrit à propos de la condition ouvrière misérable sous le nazisme :

« Privés du droit de grève, incapables de faire valoir leurs revendications, les travailleurs furent soumis à une dure exploitation […] En 1938, le taux moyen des salaires horaires industriels se trouvait de 18 % inférieur au taux de 1929 et de seulement 9 % au-dessus de celui de 1932. En dépit d’une augmentation du nombre de travailleurs de près de trois millions par rapport à 1929 et de l’allongement de la journée de travail, le montant global des salaires, en 1938, demeurait encore inférieur à celui de 1929. Et, par rapport à 1932, en tenant compte d’une augmentation de 5% dans l’indice du coût de la vie, le revenu total réel des salariés n’avait augmenté, en 1928, que de 20 % alors que pendant la même période les profits s’étaient accrus de 127 %. »

Selon l’idéologue bourgeois Ludwig von Mises, l’Allemagne aurait appliqué l’essentiel des points du Manifeste du Parti communiste de 1848 : « Huit des dix points ont été exécutés par les nazis avec un radicalisme qui aurait enchanté Marx. Seuls deux points n’ont pas encore été complètement adoptés par les nazis, à savoir l’expropriation de la propriété foncière et l’affectation de la rente foncière aux dépenses de l’État (point n°1 du Manifeste) et l’abolition de l’héritage (point n°3). Cependant, leurs méthodes de taxation, leur planisme agricole et leur politique concernant la limitation des fermages vont chaque jour dans le sens du marxisme. » (Omnipotent government, The rise of the total state and total war, 1944)

Le sous-entendu enfantin est évident : l’Allemagne nazie est marxiste… Premièrement, la propriété privée agricole était loin d’être abolie, c’était la petite propriété qui tendait à disparaître, dévorée par la grande propriété conformément aux lois du développement capitaliste, c’était un gage du renforcement du capitalisme rural et absolument pas d’une disparition de la propriété privée agricole.

Ensuite au moins quatre points importants n’ont pas été appliqué et qui ont été soigneusement occulté par notre idéologue, à savoir les points 5, 7, 8 et 9 : la « centralisation du crédit entre les mains de l’État, au moyen d’une banque nationale, dont le capital appartiendra à l’État et qui jouira d’un monopole exclusif » (5), la multiplication des manufactures d’Etat et des terres défrichées guidées selon un plan national (7), le travail obligatoire pour les capitalistes oisifs, autrement dit leur expropriation, (8) et les « mesures tendant à faire graduellement disparaître la distinction entre la ville et la campagne » (9). D’autres points ne sont absolument pas propres au socialisme comme le point n°4 : Confiscation des biens de tous les émigrés et rebelles.
Il est également à noter que les points du Manifeste sont des mesures d’urgence de transition, cet ensemble est en effet loin de former le socialisme.

En bref, certains vont même plus loin en prétendant que Hitler était carrément un communiste, comme le blogueur Bernard Raquin. Qu’ils aillent directement cracher sur les innombrables tombes de communistes, qui « ont été les premières victimes des persécutions nazies » [13], tombés sous Hitler pour avoir cru en une autre société, plus juste, et pour s’être battu pour une Allemagne libre. L’historien Gilbert Merlio écrit dans Les Résistances allemandes à Hitler (2003) que « les communistes ont été les opposants les plus décidés et les plus actifs au nazisme. »

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Mais aux naïfs qui croient toujours que l’Allemagne nazie était une quelconque forme de « socialisme », voici une lettre d’un allemand adressée au journal du NSDAP, Völkischer Beobachter, et qui y a été publiée le 7 juin 1936 : « Personne au courant des questions économiques ne croira que le système capitaliste a disparu. Les capitaux privés n’ont jamais été aussi puissants et privilégiés qu’à l’heure actuelle… L’économie accumule d’énormes bénéfices et des réserves et les travailleurs sont invités à attendre. Les plus gros font du profit, et les plus petits reçoivent des espoirs d’avenir ». « Ce n’est pas le national-socialisme, c’est tout simplement le capitalisme » écrit un autre correspondant à la Völkischer Beobachter le 13 juin [14].

kpdMort au fascisme (Tod dem Fachissmus)

Pour conclure, une critique de Georgi Dimitrov sur la nature véritable du « national-socialisme », secrétaire général du Komintern de 1934 à 1943 :

« La variété la plus réactionnaire du fascisme, c’est le fascisme du type allemand. Il s’intitule impudemment national-socialisme sans avoir rien de commun avec le socialisme. Le fascisme hitlérien, ce n’est pas seulement un nationalisme bourgeois, c’est un chauvinisme bestial. C’est un système gouvernemental de banditisme politique, un système de provocation et de tortures à l’égard de la classe ouvrière et des éléments révolutionnaires de la paysannerie, de la petite bourgeoisie et des intellectuels. […]

Le fascisme, ce n’est pas une forme du pouvoir d’Etat qui, prétendument, « se place au-dessus des deux classes, du prolétariat et de la bourgeoisie », ainsi que l’affirmait, par exemple, Otto Bauer. Ce n’est pas « la petite bourgeoisie en révolte qui s’est emparée de la machine d’Etat », comme le déclarait le socialiste anglais Brailsford. Non. […] Le fascisme, c’est le pouvoir du capital financier lui-même. […]

Il est nécessaire de souligner avec une vigueur particulière ce véritable caractère du fascisme parce que le masque de la démagogie sociale a permis au fascisme d’entraîner à sa suite, dans une série de pays, les masses de la petite bourgeoisie désaxée par la crise, et même certaines parties des couches les plus arriérées du prolétariat, qui n’auraient jamais suivi le fascisme si elles avaient compris son caractère de classe réel, sa véritable nature. […] L’arrivée du fascisme au pouvoir, ce n’est pas la substitution ordinaire d’un gouvernement bourgeois à un autre, mais le remplacement d’une forme étatique de la domination de classe de la bourgeoisie — la démocratie bourgeoise — par une autre forme de cette domination, la dictature terroriste déclarée.

Le fascisme avait promis aux ouvriers un « juste salaire », mais, en fait, il leur a apporté un niveau de vie encore plus bas, un niveau de vie misérable. […]

Le fascisme avait promis à la paysannerie ruinée, tombée dans la misère, de liquider le joug des dettes, d’abolir les fermages et même d’aliéner sans compensation les terres des propriétaires fonciers au profit des paysans sans terre et en train de se ruiner. En fait, il établit un asservissement inouï de la paysannerie travailleuse aux trusts et à l’appareil d’Etat fasciste, il pousse jusqu’aux dernières limites l’exploitation de la masse fondamentale de la paysannerie par les grands agrariens, les banques et les usuriers. « L’Allemagne sera une nation paysanne, ou elle ne sera pas », déclarait solennellement Hitler. Eh bien ! qu’est-ce que les paysans ont reçu en Allemagne, sous Hitler ? La moratorium, déjà annulé ? Ou la loi sur l’héritage de la ferme paysanne qui pousse à évincer des campagnes des millions de fils et de filles de paysans et à en faire des mendiants ? Les salariés agricoles sont convertis en demi-serfs, privés même du droit élémentaire de libre déplacement. La paysannerie laborieuse est privée de la possibilité de vendre sur le marché les produits de son exploitation. […]

Les ouvriers social-démocrates peuvent se convaincre avec de plus en plus d’évidence que l’Allemagne fasciste, avec toutes ses horreurs et sa barbarie, c’est, en fin de compte, le résultat de la politique social-démocrate de collaboration de classe avec la bourgeoisie. Ces masses se rendent compte de plus en plus nettement que la voie où les chefs de la social démocratie allemande ont mené le prolétariat, ne doit pas être reprise. [15] »

Notes :

[1] : Ian Kershaw, Qu’est-ce que le nazisme ? Problèmes et perspectives d’interprétation, éd. Gallimard, 1992, p. 93.

[2] : Site de propagande dit libéral : http://www.contrepoints.org/

[3] : Article publié le 12 février 2012 : « Hitler et le Che, deux faces d’une même pièce ».

[4] : Mein Kempf, Chapitre VIII : Le commencement de mon activité politique.

[5] : Hitler, le 28 juin 1922, rapporté par Jacques Georgel, Les eurodictatures, éd. Apogée, 1999, p. 32

[6] : Hajo Holborn, A history of modern Germany, 1840-1945, Princeton University Press, 1982, page 719.

[7] : H. R. Trevor-Roper, Hitler’s Table Talk, 1941–1944: His Private Conversations, édition numérique, « March 24, 1942 », pp. 362-363. Disponible ici.

[8] : Adolf Hitler, Hitler : une carrière (1977), écrit par Werner Rieb (d’après l’ouvrage de Joachim C. Fest).

[9] : Dans la Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 40-4, 1993, p. 679.

[10] : Entretien réalisé le 20 juin 2000, disponible ici : http://www.bernardgirard.com/aligre/nazisme.html

[11] : Carsten, Francis Ludwig The Rise of Fascism, 2nd ed. University of California Press, 1982. p. 137. Quoting: Hitler, A., Sunday Express, September 28, 1930.

[12] : Cité ici : http://www.wsws.org/francais/hiscul/2008/fev08/tooz-f19.shtml

[13] : Selon l’historien Gilbert Merlio dans Les Résistances allemandes à Hitler (éd. Tallantier, 2003).

[14] : Extrait de Fascisme et grand capital (1936) de Daniel Guérin. http://www.matierevolution.fr/spip.php?article931

[15] :  Georgi Dimitrov, Œuvres choisies (1952), édition numérique, p.29-31-37.

Dernière mise à jour : 02/10/2014

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8 commentaires pour Hitler n’était pas socialiste

  1. Maurice dit :

    Le slogan « Plutôt Hitler que le Front populaire ! » est sans doute fameux, mais il n’a jamais eu d’existence réelle. Je vous défie de le trouver dans aucune publication ou archive avant 1941.
    La source de cette légende est une citation du philosophe chrétien Emmanuel Mounier : « On ne comprendra rien au comportement de cette fraction de la bourgeoisie, si on ne l’entend murmurer à mi-voix : « Plutôt Hitler que Blum ». » ( Esprit, 1er octobre 1938). Plus tard le PCF a récupéré cette formule en la transformant, et l’a imposée dans l’opinion – un peu comme la formule « hitléro-trotskyste », qui n’a pas plus de réalité.
    Mounier attribue cette phrase à une « fraction de la bourgeoisie » (celle qui était d’extrême-droite), pas à « la bourgeoisie » ni à « la droite » tout entière – puisqu’une large partie de la droite était antifasciste. Et Mounier parle de « Blum »… or après la guerre Léon Blum était devenu la bête noire des communistes depuis qu’il avait critiqué le régime Stalinien. Donc le PCF a remplacé « Blum » par « le Front Populaire”.
    Ce slogan a acquis valeur d’évidence à force d’être répété en boucle, sans que jamais personne n’en vérifie la source. Il n’a pas plus de réalité que le “parti des 70 000 fusillés”, autre invention du PCF pour redorer sa légende et faire oublier le pacte germano-soviétique, facteur essentiel des victoires allemandes en 1939-1941 .

  2. preset dit :

    Lisez l’ouvrage de Malbranque « le socialisme en chemise brune ». Il aborde entièrement votre argumentation. Le socialisme ne peut plus réfuter la paternité du socialisme national. Le nier discrédite la cause socialiste. Vous feriez mieux de l’accepter et d’apporter les réformes nécessaires pour exorciser les maux. Sans compter les nombreux exemples de discours xénophobes prononcés par des figures de l’idéologie socialiste, tels Marx, Proudhon, Fourier, Jeaures, etc…. Quant au fait que Hitler était opposé au communisme, cela ne tient pas. Hitler était opposé aux composantes qu’il considérait comme libérales du communisme ( l’internationalisme) et non aux composantes socialistes. Le parti socialiste allemand était aussi farouchement opposé a Rosa Luxembourg, et a (je suis en qwerty, j’ai pas les accents) réprimé sévèrement les mouvements communistes allemands des années 20, ce n’est pas pour autant que vous contestez la dimension socialiste du SPD. Vous oubliez qu’apres l’experience sovietique, les allemands etaient tres mefiants des communistes, et il etait important que le socialisme se presente comme un mouvement alternatif au marxisme pour seduire l’electorat. Vous omettez aussi de mentionner que de nombreux socialistes ont soutenu les nazis. J’ajoute que les nazis etaient de fervents admirateurs de Keynes qui prônait l’investissement public, le dynamisme economique par le credit, ainsi que l’autarcie. Bref, le sujet est enorme.
    Cordialement

    • C’est justement après avoir lu quelques extraits du livre de Malbranque (et de divers petits articles à ce sujet) que j’ai eu envie de faire un contre-article.

      Je crois que vous ne m’avez pas bien compris, je nie absolument pas que Hitler était un interventionniste, un keynésien, ce que je nie en bloc c’est les thèses qui poussent le bouchon trop loin et font d’Hitler un anticapitaliste, presque un « marxiste ». Pour vous le socialisme c’est les interventions de l’Etat dans l’économie et le social, dans ce cas le nazisme est bien socialiste, mais alors Pinochet aussi, par exemple, lorsqu’il intervenait massivement dans l’économie après la crise du début des années 80… Ca ne tient pas debout. Moi je constate qu’en bon social-démocrate les interventions de l’Etat nazi ont grandement favorisé, directement ou indirectement, les intérêts de la bourgeoisie malgré les discours « révolutionnaires » à visés démagogiques des nazis avant 1933, le contraire aurait d’ailleurs été impossible dans le cadre d’un système capitaliste, et que le gouvernement « national-socialiste » a probablement empêché une révolution en Allemagne.

      • preset dit :

        Bonjour et merci de votre reponse;
        Je vous cite « Pour vous le socialisme c’est les interventions de l’Etat dans l’économie et le social, dans ce cas le nazisme est bien socialiste, mais alors Pinochet aussi, par exemple, lorsqu’il intervenait massivement dans l’économie après la crise du début des années 80 »
        Vous avez parfaitement raison, c’est mon avis. Tout comme je considere que la droite francaise n’est pas un parti liberal. A mon avis, la France ne comporte qu’une variete de partis politiques socialistes a des degres divers. Ceci dit, je suis de l’avis de Malbranque lorsqu’il dit qu’aucune politique n’a ete scrupuleusement liberale ou socialiste, mais que les systemes possedent toujours une part de l’un ou de l’autre. Vous l’aurez compris, je serais plutot d’une sensibilite libertarienne, et cette notion ne peut souffrir aucune ingerence etatique (sauf droits regaliens), subventions aux entreprises compris.
        Tres cordialement

    • SOUTEYRAT dit :

      Oui hitler est socialiste national, un révolutionnaire, bien sûr anti-capitaliste.
      Cet article un peu rébarbatif au début (mais c’st nécessaire) est passionnant à lire.
      Et comme il est dit dans l’article l’analyse du socialisme national est énorme
      http://www.mondialisme.org/spip.php?article1003

  3. l'artiste dit :

    Il a réussi a trouver de l’emploi pour 8 millions de chomeurs en l’espace de cinq ans ! Le national-socialiste est social dans… le social et non pas dans l’économie qui est un capitaliste controlé par l’état et c’est ce qui fonctionne le mieux

  4. theo31 dit :

    http://www.contrepoints.org/2012/08/16/93794-joseph-goebbels-pourquoi-nous-sommes-socialistes

    Sans oublier que le caporal a réalisé huit des dix propositions du programme de Marx et Engels avec un zèle qui n’aurait pas déplu aux staliniens. Et que Keynes trouvait que l’Allemagne hitlérienne était le cobaye idéal pour appliquer ses théories fumeuses.

    Le socialisme est toujours nationaliste et inversement car ils reposent sur le collectivisme et le constructivisme

    « l’intellectuel capitaliste Ludwig von Mises »

    Vous ne connaissez visiblement pas la définition du capitalisme et encore moins les propositions de l’école autrichienne d’économie.

    Quand on voit que toute la gauche (le FN est aussi de gauche, ne vous en déplaise) défend avec rage les réalisations sociales du régime de Vichy (Sécu, retraites, CHSCT, CE, etc), on comprend mieux pourquoi les degôche essaient de renier de bien encombrant membre de la famille socialiste qui a la différence des staliniens ne s’est jamais réclamé des droits de l’homme.

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